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Portrait de Bron en 1702

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Frontière du Dauphiné et du Lyonnais, d’après la carte de Cassini (vers 1750)

A quoi ressemblait Bron au temps de Louis XIV ? Une enquête à but fiscal nous en donne une idée.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°30 de novembre 2023.

Jeudi 2 novembre 1702. A deux heures de l’après-midi, les commissaires désignés par l’intendant du Dauphiné, alors l’équivalent d’un préfet de région, reçoivent les délégués de la communauté de Bron. Il y a là sieur Pierre-Emmanuel Bonnard, châtelain du village, et Laurent Rognand, élu consul depuis peu - autrement dit l’ancêtre de notre maire actuel -, plus un petit groupe d’habitants que les archives n’ont pas pris la peine de nommer. Tout ce beau monde est réuni pour procéder à la « Révision des feux » du village : pour être sûr qu’il paye bien les impôts dus chaque année, et pour le cas où il pourrait en payer un peu plus, les commissaires demandent aux Brondillants d’antan de décrire leur petite patrie jusque dans ses moindres détails.

Bron peuplée par 58 familles

Petite, le mot n’est pas exagéré. Car voici trois siècles et des poussières, Bron n’était peuplé que par 58 familles, soit au total par 230 à 290 habitants. Ils avaient à leur tête un curé, messire Carrier et, surtout, un seigneur : noble Jacques de Laube. Mais celui-ci ne résidait en sa maison forte brondillante, à deux pas de notre place Curial, que pendant les beaux jours. Il logeait à Lyon, ou dans son château de Corcelles-en-Beaujolais, le reste de l’année. A l’exception de quelques artisans, les habitants étaient tous paysans – ou plutôt laboureurs, grangers ou journaliers, comme on les appelait à l’époque. Que cultivaient-ils ? Du seigle surtout, et aussi du froment, des vignes, « quelques noyers et autres arbres fruitiers », ainsi qu’un peu de sarrasin, d’avoine pour leurs chevaux, et du chanvre pour se vêtir. Mais, malheureusement pour eux, leurs terres étaient pauvres, au point qu’ils devaient les laisser reposer deux années sur trois, sans pouvoir les cultiver. Résultat, « la misère des habitants et très grande », se plaignent nos représentants ; « la plupart sont contraints de travailler à force de bras [comme ouvriers agricoles] et ne se nourrissent depuis Noël jusqu’à la saint Jean-Baptiste [le 24 juin] que d’une farine très grossière qu’ils vont acheter à Lyon [avec le] salaire de leurs journées ». Pour couronner le tout, sur les 4255 bicherées dont était composé le territoire de la communauté, soit 970 hectares, plus des deux-tiers appartenaient à des nobles ou à des ecclésiastiques. Nos prédécesseurs pouvaient-ils au moins compter sur des parcelles possédées en commun par les habitants, autrement dit sur des communaux, pour élever du bétail ou pour couper du bois ? Même pas. « La communauté n‘a aucun bois, prairies ni paturage commun », nous dit la Révision des feux. « Et si quelques particuliers prennent quelques fois la résolution d’entretenir deux vaches pour labourer, ils sont obligés d’amasser l’herbe dans les chemins pendant toute l’année pour les nourrir dans l’étable, ce qui rend ledit entretien très difficile ». En somme, cette enquête de 1702 dresse un tableau bien sombre…

Les Brondillants ont noirci le tableau !

Sauf qu’il y a un hic. Les Brondillants du temps de Louis XIV ont noirci exagérément le tableau ! Situés aux portes même de Lyon, et de surcroît sur la grande route royale menant en Italie, ils profitent de ressources bien plus diversifiées que s’ils vivaient au fin fond des montagnes alpines. En fait, en répondant aux enquêteurs envoyés par l’intendant, les habitants et leur maire ne visaient qu’une seule chose : une réduction de leurs impôts !

Aline Vallais
Source : Archives de l’Isère, 2 C 318, f° 1593.

 

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