Etape 6 - Migrants d’antan

On

Accès :

  • Continuer à marcher sur la rue Michel-Lacroix, jusqu'à l'avenue Franklin-Roosevelt.
  • Tourner à droite puis s'arrêter devant le n° 169, où subsiste un ensemble de vieilles maisons en pisé des 18e-19e siècles.

Chaque jour, la route de Lyon à Chambéry et à Grenoble - l'avenue Franklin-Roosevelt d'aujourd'hui - charriait son flot de voyageurs. Les uns allaient à cheval ou en carrosse, mais beaucoup marchaient à pieds, faute d'argent pour s'offrir un moyen de transport. On en voyaient aussi en guenilles. Mendiants ou vagabonds, ils traversaient généralement notre commune sans s'y arrêter, mais dans le lot certains décidaient d'y passer quelques jours ou d'y vivre pour toujours. Il en venait du Dauphiné, comme ce Louis Thévenet, né à Saint-Sorlin-de-Morestel et qui mourut à Bron en 1773. Philibert Martinet, lui, avait fait un bien plus grand voyage. Agé d'environ 70 ans, il arrivait "de la paroisse d'Arvier au duché d'Aoste", autrement dit du nord de l'Italie. Il trouva refuge chez le fermier du mas de Rebufer, qui lui offrit un coin de grange pour y passer la nuit, mais fut victime de maladie ou des températures hivernales, le 25 janvier 1760. Ce pauvre mendiant errait en compagnie de son frère, car mieux valait éviter d'affronter seul les dangers de la route. Philippe Nolet mendiait lui aussi en famille. Ancien tisserand de Gap, il était parti avec sa femme et leur bébé et s'était rendu jusqu'à Langres, près des sources de la Seine, avant de revenir à Bron où il échoua en 1761. Réussit-il à échapper à son triste sort ? Rien n'est moins sûr. Les Brondillants se montraient solidaires envers les mendiants originaires du village, mais devenaient méfiants lorsqu'ils avaient affaire à une tête inconnue.

Les colporteurs ne se heurtaient pas à pareille méfiance. Leur tournée les ramenait chaque année chez nous, dès que l'hiver pointait son nez, et les Brondillantes les attendaient comme la venue du Messie ! Il y avait de quoi. La grande caisse en bois qu'ils transportaient sur leurs épaules ou à dos de mulet, contenait un trésor qu'aucun artisan de Bron n'était en mesure de leur offrir : des livres, des graines de fleurs et de légumes, des épices, des lunettes, de beaux petits couteaux, et surtout un étalage de tissus, de dentelles, de foulards et de rubans pouvant transformer la moindre paysanne en princesses des mille et une nuits. Dans les années 1760-1770, Bron reçoit ainsi régulièrement la visite de Thérèse Savoye, une colporteuse en merceries originaire de Valloire, en Maurienne. En février 1788, c'est au tour du Grenoblois Jean Lesbret et de sa femme, "marchand vendant dans les paroisses de cette province des mousselines, indiennes et merceries", de faire rêver les Brondillantes avec leurs soieries et leurs cotonnades peintes. Louis Richard et sa femme Marie-Anne Martel, eux, vendent des bouquets de fleurs séchées cueillis dans les prés des Hautes-Alpes. Il faut croire que les Brondillants les apprécient particulièrement, puisqu'à la veille de la Révolution française, après avoir longtemps erré du côté de Bourg-en-Bresse et jusqu'à Pavie, en Italie, le couple décide de se fixer à Bron, où monsieur abandonne les fleurs séchées et devient maître d'école.

Les Alpes ne sont pas les seules montagnes à envoyer des migrants par chez nous. Depuis la fin du 17e siècle, des flots de maçons quittent leurs villages du Massif central pour gagner les chantiers de Lyon puis, de plus en plus, de Bron. Selon un rythme immuable, ils font leur balluchon vers les mois de mars–avril et voyagent en bande, sous la conduite d’un habitué du parcours qui se charge, une fois parvenu à destination, de trouver des chantiers. Ainsi en 1772, notre ville accueille une équipe composée de « Louis Bodin, natif de Manet en Auvergne, de Pierre Défarge, de Saint–Pierre le Bois dans la Marche, de Jean Vincent, de Toron en Poitou, tous trois compagnons massons travaillant avec Michel Boibot dit Combard ». Ces compères ont comme atouts de proposer des prix moins élevés que leurs collègues dauphinois, tout en possédant un savoir–faire reconnu par tous. Pendant leur séjour, ils logent soit chez leurs clients soit à l’auberge, en dépensant le moins possible pour se constituer un plus gros pécule. Pour eux point de fêtes, point de beuveries interminables comme il s’en faisait tant à l’époque, et ils couchent à cinq ou six par chambre pour économiser sur le prix du loyer. Ainsi à l’issue d’une saison de travail, les maçons du Massif central se retrouvent avec une somme assez rondelette. Ils retournent alors chez eux retrouver leurs épouses respectives, leur faire un enfant de plus, et entretenir leurs maisons. Puis l’année suivante ils recommencent leur voyage dès les premiers beaux jours. Certains font ainsi le va et vient entre Bron et leur pays natal plus d’une vingtaine de fois. De là à se fixer une fois pour toute dans leur région d’adoption, il n'y qu'un pas, que franchit le dénommé Benoît Marquet. Originaire de « Saint Genis en Auvergne » (Saint–Genès, dans le Puy-de-Dôme), Benoît Marquet vient pour la première fois en Dauphiné au début des années 1760, sous Louis XV. Il travaille d’abord à Bron, à Vénissieux et à Saint–Priest, à faire des maisons en pisé, réparer des murs de clôture, creuser des puits. Après une douzaine d’allers et retours, il décide en 1770 de s’installer à Vénissieux, puis à Bron en 1780, où il se marie et fonde une famille. Pendant les trois siècles qui allaient suivre, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes allaient suivre le même destin que ce Benoît Marquet, écrivant chacun à leur tour, les pages de l'histoire de Bron.

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