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Quand les loups hantaient nos contrées

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Petits paysans surpris par un loup, tableau de François Grenier de Saint Martin (1833)
© Musée de Nantes

Dans la nuit du 13 au 14 mars 2022, un loup a été tué aux portes de notre ville, sur l’autoroute A43, à hauteur du magasin Auchan. Si extraordinaire qu’il soit, cet évènement n’est pourtant pas une première.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]onjour n°15 de Mai 2022.

  

Bron, années 1750. Le village de nos concitoyens d’hier comporte moult champs labourés, mais il est aussi bordé d’une grande forêt. Son souvenir demeure avec l’actuel centre social du Grand-Taillis, et aussi avec l’avenue du Bois, reliant l’avenue Franklin-Roosevelt à Parilly. Dans ce bois de Bron rodent parfois des voleurs et aussi… des loups !

Depuis le début de l’année 1754, une dizaine d’enfants ont été retrouvés morts en Bas-Dauphiné...

La bête cohabite plus ou moins bien avec les hommes. Les uns en ont une peur bleue, tandis que d’autres se contentent de la faire fuir en faisant du bruit avec leurs sabots, ou en agitant une torche. D’ailleurs, n’appelle-t-on pas les Dauphinois les « Brûleurs de loups » ? Mais pour l’heure, c’est plutôt la terreur qui l’emporte. Depuis le début de 1754, une dizaine d’enfants ont été retrouvés morts en Bas-Dauphiné, le corps en partie dévoré par les loups. Si bien que l’intendant de la province, l’équivalent de notre préfet de région, décide de frapper un grand coup : il rameute plus de 2 000 personnes dans une vingtaine de villages, afin de mener une énorme battue aux environs de Lyon. La troupe part des abords d’Heyrieux le 14 septembre 1754 et avance en direction du Rhône, en faisant le maximum de bruit et en fouillant le moindre bosquet. Dix-sept loups sont débusqués, mais un seul est abattu. La battue se solde par un fiasco total. Elle n’en perturbe pas moins l’habitat naturel des loups. Faut-il voir là l’origine du drame intervenu dans notre commune ? Peut-être…

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© DR

La victime, Marie Lourdin, avait 11 ans et habitait Bron. Elle était la fille de Jeanne Peisson et de feu Pierre Lourdin et, comme les enfants de son âge, devait garder les vaches ou les moutons de sa famille. Jusqu’à ce que la bête arrive, qui ne lui fit pas de quartier. Le 20 septembre 1754, l’on retrouva Marie Lourdin « égorgée par une bete fauve sur le territoire de Villeurbanne ». La pauvre petite fut ramenée à Bron et rendue à sa mère, puis enterrée dans le cimetière du village, ce que le curé consigna soigneusement dans ses registres.

De tels malheurs n’étaient pas rares dans la France d’autrefois. Même si le loup craignait naturellement l’homme, l’interpénétration des territoires des humains et de la faune sauvage, surtout dans un pays aux campagnes densément peuplées, amenait des accidents – au point que l’historien Jean-Marc Moriceau a recensé près de 3000 décès dus aux loups dans notre pays. Les battues étant inefficaces on l’a vu, les autorités se replièrent sur la chasse individuelle. L’intendant du Dauphiné offrit de fortes primes à quiconque tuerait un loup : 12 livres par tête, soit l’équivalent de deux à trois semaines de salaire.

Dès lors, les chasseurs ne se firent pas prier, qui abattirent 37 loups en 1757, uniquement dans le nord du Dauphiné : à Heyrieux, L’Isle-d’Abeau, Saint-Quentin-Fallavier, Mions… et aussi à Bron, où Joseph Burlat reçut la prime le 8 juin 1757. Cinq ans plus tard, en 1762, ce furent encore 22 chasseurs de notre région qui présentèrent leurs trophées, dont un certain François Pons, de Vénissieux.

Peu à peu, les loups disparurent, d’autant plus qu’aux armes à feu s’ajouta bientôt l’usage du poison. Les 19e et 20e siècles s’écoulèrent ainsi sans qu’il ne soit plus question de « bête fauve » aux abords de Bron. Jusqu’à ce loup perdu de 2022 !

Aline Vallais
Sources : Archives du Rhône, 4 E 416. Archives de l’Isère, 7 B 127-128.

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