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Une ferme modèle au Vinatier

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Vestiges du mas des Tours, à l’hôpital du Vinatier
Vestiges du mas des Tours, à l’hôpital du Vinatier

Avant que l’hôpital psychiatrique ne soit créé en 1876, le Vinatier était un grand domaine appartenant à des personnes fortunées, qui le bichonnaient comme s’il était l’un de leurs enfants.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]onjour n°20 de Décembre 2022.

Fleury Dian raffolait des asperges. En cette fin du 18e siècle, ce légume n’apparaissait encore que sur les tables des puissants et des riches, désireux d’impressionner leurs invités tout en les régalant. Aussi, tenant à montrer son rang de bon bourgeois lyonnais, mâtiné d’un titre d’écuyer signalant sa toute récente noblesse, Fleury Dian s’offrit le luxe d’aménager une aspergerie dans son domaine du Vinatier – ou plutôt, du « Mas du Tour », comme on l’appelait à l’époque. Ce beau domaine, l’un des plus grands de notre commune, avait appartenu au 17e siècle à la famille des seigneurs de Bron, puis s’était transmis aux de Montquin, jusqu’à ce que Fleury Dian l’achète, vers 1760-1770. Le Mas du Tour devint alors le joyau de son patrimoine. Sur sa centaine d’hectares, il fit cultiver du froment et du seigle, pousser des vignes bien sûr – nous sommes au Vinatier -, élever des vaches, des brebis et des pigeons, planter jusqu’à cent arbres par an pour agrandir un bois, et prendre soin des jardins et des vergers.

Une agriculture à la pointe

La porcherie de l'Asile
© Fonds Documentaire de la Ferme du Vinatier

Evidemment, Fleury Dian ne cultivait pas lui-même son domaine. Il le louait tous les six ans à un fermier, Marc Buisson, originaire de Vénissieux et qui resta en place de 1774 jusqu’à son décès en 1824, soit pendant 50 ans ! À ce Buisson et à ses domestiques revenaient les labours, les moissons, les vendanges, la garde des troupeaux, le ramassage des légumes et des fruits, mais aussi tous les travaux de bonification des terres. Car le Mas du Tour n’était pas une ferme comme tant d’autres, engluées dans une agriculture archaïque et routinière. Alors que presque partout en Dauphiné, les terres labourées n’étaient pas engraissées et ne procuraient que de bien maigres rendements, Buisson devait couvrir les champs du Vinatier de fumier, quitte à en acheter s’il en manquait. Il avait aussi pour ordre « d’extraire et tirer autant quil sera possible, de la marne dans les fonds dudit domaine pour la répandre dans les endroits convenables pour les améliorer » - soit une technique à la pointe du progrès.

Le propriétaire enfile ses bottes

Les chèvres brouttent l'herbe autour des ruines du mas des Tours
- Les chèvres envahissent maintenant l'espace autour des ruines

Et pour s’assurer que ses consignes étaient appliquées à la lettre, Fleury Dian et sa famille rendaient fréquemment visite au fermier. Marc Buisson venait les chercher à Lyon avec une voiture attelée à des chevaux, les emmenait à Bron puis les logeait dans un appartement qui leur était réservé. Alors, messire Dian jouait au grand seigneur, visitant les moindres recoins du domaine, dispensant des conseils, gourmandant au besoin. Au moment des récoltes, il veillait aussi soigneusement à ce que celles-ci soient partagées, une moitié pour lui-même, et l’autre moitié pour le fermier, comme son bail de location le spécifiait. Le blé, le bétail et le vin partaient alors alimenter les marchés de Lyon, faisant ainsi pleuvoir les écus et les louis dans les poches des Dian. Et puis, Marc Buisson apportait à Lyon, jusqu’en la rue Neuve où habitait son propriétaire (à mi-chemin des Terreaux et des Cordeliers), les fruits et les légumes nécessaires à son alimentation. Le bail du domaine ne manque pas de les citer expressément, comme ces raisins des vignes en espalier, et comme ces « trois bottes des plus belles asperges, [à livrer] par chaque semaine à commencer du temps de leur production ».

Aline Vallais

Sources : Archives du Rhône, 3 E 11473 (18/12/1785), 4 E 424 (26/6/1824).

Le mas des Tours et ses murs crénelés, en 1702
Archives municipales de Lyon, 2 S 13
Plan du Mas des Tours en 1812

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