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Les précepteurs de jeunesse

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L’école est devenue obligatoire en France à partir de la loi de Jules Ferry, en 1882. Mais avant cette date, n’existait-elle pas ? Bien sûr que si ! Elle était juste un peu… particulière.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°23 de mars 2023.

Les pacotilles, les tissus, les livres mêmes, avaient leurs colporteurs, qui fréquentaient les routes du royaume dès que l’hiver pointait le bout de son nez, et venaient jusqu’à Bron vendre leurs marchandises. L’école elle aussi, avait ses colporteurs. On les appelait des « régents d’école », ou des « précepteurs de jeunesse ». Eux allaient par les routes en portant leur savoir, leurs livres en bandoulière, attachés par une simple ficelle, et un chapeau sur la tête indiquant à chacun leurs capacités : une plume fichée sur ce couvre-chef signalait qu’ils enseignaient à lire ; deux, qu’ils apprenaient à écrire ; trois, qu’ils allaient jusqu’au calcul et à quelques rudiments de latin. Dans notre région, la plupart de ces maîtres d’école venaient des Hautes-Alpes. Dans ces contrées montagneuses, l’attachement au protestantisme avait très tôt favorisé l’alphabétisation jusque dans la moindre ferme. Du coup, lorsque l’hiver s’annonçait, qui allait interrompre pour six mois toutes les activités agricoles, ces montagnards descendaient de leurs vallées haut perchées et, après 200 kilomètres à pied, gagnaient nos villages pour dispenser leur savoir. Ainsi fit Louis Richard. Natif de Veynes, près de Gap, ce Dauphinois alla d’abord du côté de Milan, où il se maria en 1762. Puis il se rendit dans les années 1780 à Bourg-en-Bresse, où il gagna sa vie en vendant des bouquets en compagnie de sa femme. Enfin, vers l’automne 1788, il arriva à Bron. Il logea d’abord un temps au domaine des Essarts puis, probablement recruté par le consul du village – l’ancêtre du maire –, il troqua ses bouquets contre la plume et la férule du maître : Louis Richard devint « enseignant à lire et à écrire ».

Un enseignement très masculin

À ce titre, il accueillit à la cure ou même chez lui – et plus précisément dans sa cuisine -, les enfants du village. Pas tous, loin s’en faut. Même si la commune de Bron prenait à sa charge son salaire, de l’ordre d’une centaine de Livres par an, les parents des écoliers devaient acquitter une taxe d’écolage » de 2-3 Livres par enfant, ce qui n’était pas à la portée de toutes les bourses. L’école durait le temps de la mauvaise saison, depuis octobre-novembre jusqu’au mois de mars. La première année était vouée à l’apprentissage de la lecture. Le maître prenait chaque enfant à tour de rôle, lui enseignait à lire quelques lettres – le B-A-BA –, puis passait à l’enfant suivant. Ceux qui attendaient leur tour faisaient des exercices pendant ce temps, jouaient, ou se chamaillaient. Puis la deuxième année, le maître apprenait le plus difficile : écrire. Un art qui n’était pas forcément à la portée de toutes les mains, tant le maniement de la plume d’oie s’avérait délicat. Ses élèves étaient surtout des garçons, car il fallut attendre longtemps avant que les villageois perçoivent un quelconque intérêt à alphabétiser leurs filles. Mais, bon an mal an, grâce aux régents d’école itinérants, les Brondillants commencèrent à écrire. La preuve, voyez cette union d’Antoine Mattoud, tailleur d’habits à Bron, et de sa femme Marianne Pichet. Sur leur acte de mariage, le 9 mai 1786, le marié signa son nom d’une belle plume, Antoine Mattoud. L’on appela ce temps le siècle des Lumières.

Aline Vallais

Sources : Archives du Rhône, E dépôt 29/2.

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