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Pour le bonheur des chemins

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Au début du siècle, la route de Grenoble n’était que terre battue et cailloux...
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Aux 19e et 20e siècles, la commune de Bron préleva un drôle d’impôt en nature, destiné à améliorer l’état des chemins vicinaux : les “prestations”.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]onjour n°17 de Septembre 2022.

Il y en avait autrefois beaucoup. Les chemins vicinaux desservaient la moindre maison de Bron, permettaient de gagner les communes voisines, et aussi de se rendre dans les champs afin de les cultiver.
Mais encore fallait-il les créer, puis les entretenir une fois leurs belles chaussées terminées. Car à force de passer et repasser dessus avec des chevaux et des charrettes pleines à craquer, les chemins se transformaient en défilés d’ornières, puis en mares dès que la pluie s’en mêlait. C’est dans ce but que l’État créa, par les lois des 28 juillet 1824 et 21 mai 1836, l’impôt des “prestations”. Drôle d’impôt que celui-ci. Pour vous en acquitter, vous deviez effectuer des jours de corvée sur les chemins au profit de la commune : ainsi en 1839, chaque chef de famille du village se vit frappé de « trois journées d’hommes, trois journées de mulets et chevaux, et de trois journées de voiture (ndlr : comprendre charrettes) pour être employées à la réparation des chemins vicinaux ». Sous la houlette du “piqueur”, un employé communal chargé de surveiller les travaux - et si besoin de houspiller les tire-au-flanc -, les Brondillants se rendaient de bon matin sur le chantier de l’année, puis besognaient jusqu’au soir à combler les ornières avec des cailloux, à casser des pierres pour les transformer en gravier, puis à fignoler la surface de roulement des chemins, afin de les rendre comme neufs.

Drôle d’impôt que celui-ci. Pour vous en acquitter, vous deviez effectuer des jours de corvée sur les chemins au profit de la commune

Le cantonnier était responsable de l’entretien des routes , en terre et en gravier. “ Le Cantonnier” dessin à la craie du 19e siècle par J. F. Millet.
© Musée des Berthalais

En 1840, l’on travailla ainsi « à la réparation du chemin appelé Parilly et Grand Taillis tendant de la commune de Bron à celle de Vénissieux, à celui appelé route de Genas et celui tendant de Bron à Décines par la place (Curial) ».
De même six ans plus tard, en 1846, l’effort porta « dans l’intérieur du village (…) et au chemin Vinatier, à condition que M. Bernard ou tout autre propriétaire fournira les graviers au prix fixé par l’administration ».

Même si elles leur rappelaient les corvées que leurs ancêtres effectuaient gratuitement pour le seigneur ou pour le roi, ces prestations étaient parfaitement admises par les Brondillants. En effet, ils voyaient la concrétisation immédiate de leurs efforts et tout l’intérêt qu’ils pouvaient en retirer : grâce à ces bons chemins, ils pouvaient se rendre facilement à la mairie ou à l’église, envoyer leurs enfants à l’école, vendre les produits de leurs champs au marché, ou tout simplement se promener sans se noyer dans la gadoue jusqu’au cou. Du coup, les prestations étaient effectuées dans une bonne humeur générale, et passaient pour un moment fort de la sociabilité villageoise. Étiez-vous trop occupé pour les effectuer ? Ou trop riche pour jouer au manoeuvre ? Ou en mauvaise santé ? En ce cas, vous pouviez toujours payer votre impôt en versant l’équivalent de trois journées de salaire. Ces prestations ne réglaient pourtant pas tout.

La faible rentabilité des chantiers amena la municipalité à recruter dans le courant du 19e siècle un premier cantonnier communa, puis en 2e en 1890, chargés des travaux d’entretien des chemins

La faible rentabilité des chantiers amena la municipalité à recruter dans le courant du 19e siècle un premier cantonnier communal, puis un deuxième en 1890, qui furent chargés d’effectuer tous les travaux d’entretien des chemins.

Les prestations n’en continuèrent pas moins de plus belle, puisqu’une délibération du conseil municipal les évoque encore en 1904. Pour peu de temps cependant : la mutation de Bron en une ville moderne allait bientôt les faire disparaître définitivement.

Aline Vallais
Sources : Archives de Bron, délibérations municipales, 1838-1926.

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