Les égouts nous rendent bien des services : songez ce que serait la vie sans eux… Mais ils ne furent pas toujours présents dans notre ville. Récit d’une conquête.
Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°27 de juillet 2023.
Il existe une expression un tantinet désuète pour désigner une personne fortunée : on dit d’elle qu’elle « tient le haut du pavé ». Son origine vient du fait que, sous l’Ancien Régime et dans des villes comme Paris, les gens jetaient leurs déchets et leurs eaux usées par la fenêtre, au point qu’au milieu des rues coulait un ruisseau boueux et nauséabond. Il en résultait une ségrégation sociale : les pauvres marchaient dans le ruisseau, tandis que les riches se tenaient près des façades des maisons, bien à l’abri, en suivant le haut du pavé. À Bron aussi, les eaux usées coulaient librement dans les rues ; elles sortaient des éviers, se faufilaient hors des maisons, et atterrissaient sur la chaussée.
Les pieds dans les détritus
La route nationale elle-même, notre actuelle avenue Franklin-Roosevelt, n’était pas épargnée, au point qu’en 1920 le maire contraignit les riverains à installer des caniveaux dans la traversée des trottoirs, pour au moins protéger les pieds des passants. Mais il y avait plus grave encore. La moindre pluie inondait les caves sous 50 centimètres à un mètre d’eau, noyait les chaudières des écoles, et transformait certains secteurs de Bron en mares. Ainsi en 1926, la commune décrit « la menace Les égouts nous rendent bien des services : songez ce que serait la vie sans eux… Mais ils ne furent pas toujours présents dans notre ville. Récit d’une conquête. constante du danger [d’épidémies] qui existe par suite des masses d’eau polluées qui stationnent à l’état permanent dans tous les points bas de la commune, lesquelles se trouvent en pleine agglomération » - notamment à l’entrée du village, au bien nommé lieu-dit de La Boutasse.
Tractations nauséabondes
La solution à ce dangereux et odoriférant problème passait par des égouts. En 1923, le conseil municipal décida donc d’équiper notre ville d’un réseau à la pointe du progrès. Partant de Bron, les eaux usées rejoindraient l’égout collecteur de Lyon et, de là, se jetteraient dans le Rhône. Contact fut donc pris en 1925 avec la municipalité lyonnaise, qui donna son accord au raccordement à condition que Bron en assume les frais … et qu’elle accepte aussi l’annexion à Lyon de toute la partie ouest de la commune, soit les Essarts, le Vinatier et les Genêts ! Évidemment, les élus brondillants ne donnèrent pas suite à cette clause abusive, et sortirent leurs machines à calculer : leur projet de réseau se montait à plusieurs millions de francs. Afin de pouvoir le financer, l’on fit appel à toutes les subventions possibles, l’on recourut à nombre d’emprunts, et l’on découpa le chantier en cinq tranches.
29 km d'égouts
La première, terminée en 1927, relia le boulevard Pinel à l’égout lyonnais, les travaux ayant été confiés à un entrepreneur de La Tronche, près de Grenoble. La seconde tranche, rejoignant les Essarts, déroula de beaux tunnels de deux mètres de haut et fut achevée en 1928. La troisième, des Essarts à l’avenue Franklin-Roosevelt par l’avenue du Bois, fut exécutée en 1929. La quatrième, longue de 1272 mètres, suivit en 1930 et alla jusqu’au fort. Enfin la cinquième tranche, entamée en 1931, desservit les rues de la Paix, Roger-Salengro et Jean-Jaurès, donnant le coup d’envoi au raccordement des artères secondaires. Dès lors, le réseau souterrain gagna peu à peu tout le territoire de la commune, au point qu’en 1965, il s’étirait sur plus de 29 kilomètres. Les Brondillants eurent enfin les pieds au sec, et le nez apaisé.
Aline Vallais
Sources : Archives municipales de Bron, registres des délibérations, 1919-1939.