Ayant frappé en 1918 et 1919, la grippe espagnole fut la plus terrible épidémie que la France ait connue au XXe siècle. Elle n’épargna évidemment pas notre ville.
Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°54 de janvier 2026.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1917, les officiers d’état civil de notre commune enregistrèrent 495 décès à Bron. Mais en 1918, leur nombre grimpa à 673 décès, soit 178 de plus en un an ! La raison de cette hausse brutale tient dans ce mal importé d’au-delà de nos frontières : la grippe dite « espagnole ». Apparue en réalité en Asie ou aux États-Unis, en pleine Première Guerre mondiale, elle contamina les soldats américains qui, lorsqu’ils furent déployés en France, l’importèrent dans notre pays. Là, ils la transmirent aux soldats français qui, à leur tour, contaminèrent la population civile. Et c’est ainsi que tout notre pays fut touché par l’épidémie.
À Bron, le silence est d’or
Elle atteint la région lyonnaise en août 1918. Et elle étonne immédiatement par sa virulence. Elle se répand comme une traînée de poudre, la promiscuité des usines, des tramways, des casernes ou des hôpitaux, favorisant la contamination de foules entières. À Lyon mais aussi à Villeurbanne, les autorités municipales prennent des mesures pour tenter de lutter contre cette calamité : leurs services sont chargés de visiter les malades, de leur donner des soins et de faire évacuer les corps des personnes décédées. Mais à Bron, comme dans l’immense majorité des communes françaises, rien de tel. Les registres des délibérations municipales, tout comme les archives sanitaires, restent totalement muets sur l’épidémie. L’on fait comme si elle n’existait pas.
Le Vinatier frappé de plein fouet
Pourtant, la grippe espagnole est bien présente dans notre ville. Les registres des décès de 1918 en sont la preuve. Ordinairement, ils enregistrent une quarantaine à une cinquantaine de décès par mois : quelques-uns concernent nos concitoyens d’hier, mais l’écrasante majorité implique des patients hospitalisés à l’Asile départemental d’aliénés, autrement dit au Vinatier. Ainsi, sur 38 décès intervenus à Bron en juillet 1918, 37 concernent l’hôpital psychiatrique. Puis ces chiffres s’envolent, au fur et à mesure que l’épidémie progresse, passant à 66 décès en août 1918, 74 en septembre et, record absolu, 124 décès en octobre 1918. Durant ces mois terribles, la mort frappe presque exclusivement au Vinatier. Soldats revenus du front, SDF, malades mentaux ou malades tout court, y vivent entassés les uns à côté des autres, créant des conditions idéales pour une contamination généralisée. L’hôpital semble avoir été alors totalement débordé. Est-ce dans son enceinte, qu’en 1918 l’auteur Blaise Cendrars a « assisté dans la banlieue de Lyon, à l'incinération des pestiférés [= des victimes de la grippe] que l'on entassait dans les champs et que l'on aspergeait d'essence » ?
200 morts à Bron
Enfin, en novembre 1918 l’épidémie commence à reculer, puisque les décès chutent à une cinquantaine par mois, puis à une quarantaine en avril 1919, mois qui voit la fin de ce tragique évènement. Au total, la grippe espagnole tua environ 200 personnes à Bron, soit 4 à 5 % de la population. En France, on lui attribue entre 165 000 et 400 000 décès, ce qui en fait la pire pandémie du XXe siècle. À l'échelle de la planète, les historiens estiment qu'un milliard de personnes furent infectées, soit près de la moitié de la population mondiale, et qu'on déplora entre 20 et 100 millions de morts.
Aline Vallais
Sources : Archives municipales de Bron, registres des délibérations (1918-1919), et boîte 1774-4. Archives du Rhône, 4 E 13811