Indissociable de l’histoire de notre ville, l’hôpital psychiatrique ne fit pourtant pas l’unanimité auprès des Brondillants, lors de ses premières années.
Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°40 d'octobre 2024.
Une excellente chose pour toute l’agglomération lyonnaise, et pour les malades du département du Rhône. Voilà comment fut perçue la nouvelle de l’aménagement d’un grand hôpital psychiatrique à Bron, au Vinatier. Débuté sous le Second Empire, ce projet se concrétisa par l’achat des terrains nécessaires en 1869, puis se poursuivit, après la chute de Napoléon III, par la construction des immenses et nombreux bâtiments, qui reçurent leurs premiers aliénés dès 1875. Dans notre commune, l’accueil réservé à cette belle institution fut d’abord positif. La preuve, en 1874 le maire Antoine Bernard propose que des arbres soient plantés le long de l’actuelle avenue Franklin-Roosevelt, afin de donner « un ombrage salutaire aux nombreux promeneurs qui seront attirés dans le pays par l’asile d’aliénés ».
Mais deux ans plus tard, en 1876, le ton change radicalement. L’on apprend en effet que, de 37 hectares à l’origine, l’hôpital doit s’étendre au point d’atteindre une surface de 107 hectares – soit 10 % de la superficie de Bron ! Tonnerre chez les élus et chez les habitants, qui se dressent vent debout contre un tel projet. Selon eux, c’est une large partie de notre commune qui se verrait « frappée de stérilité (…) car on ne peut se dissimuler que ces établissements font le vide autour d’eux ». L’avenir même de Bron en serait impacté, car « cette population inerte, malheureuse, séparée du monde par de hautes murailles, [opposerait] une barrière infranchissable à l’agrandissement de la commune ». Alors que « ce grand espace qui est admirablement situé à la porte de Lyon, s’il eût été livré à l’activité d’une population agricole et industrielle, aurait été pour Bron un précieux accroissement de ressources [et aurait], à un moment donné, été couvert de constructions occupées par une population virile (sic !), source de prospérité ».
Évidemment, le conseil municipal ne put empêcher l’agrandissement de l’hôpital. Il se contenta de réclamer des indemnités pour compenser la suppression de certains chemins communaux, et exigea la conservation du chemin curieusement nommé « Platacul », dans le prolongement de l’actuelle rue de la Marne. L’ampleur de l’enceinte hospitalière allait en effet devenir telle que la circulation des habitants et des charrettes à travers tout l’ouest de Bron s’en trouverait complètement bouleversée. Platacul, apparemment essentiel, donna ainsi lieu à un baroud d’honneur, le conseil demandant que « les communications pour desservir les terrains que ce chemin sépare [soient] établies au moyen de ponts suspendus » - autrement dit, passant par-dessus l’enceinte de l’hôpital, un peu comme le pont-levis d’un château médiéval ! Mais tous les conseillers ne se rallièrent pas à cet avis, certains pointant le risque pour la population que de tels ponts entraîneraient : ils causeraient « un danger permanent pour la sécurité publique ». Au cas où des malades viendraient à s’échapper ?
Si les élus d’hier l’avaient emporté dans cette affaire, notre ville d’aujourd’hui ne serait pas dotée de l’un de ses plus grands espaces verts, et n’aurait pas non plus ces très beaux bâtiments du XIXe siècle, qui comptent parmi les fleurons du patrimoine brondillant.
Aline Vallais
Source : Archives de Bron, registre des délibérations municipales, 1870-1891.