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Lorsque l’enfant paraît

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Conservés depuis le début du 17e siècle et tenus par les curés, les registres paroissiaux de Bron nous racontent comment se passaient les premiers jours des enfants.

Poursuivez l'Histoire : Retrouvez ici le texte complet de l'article "Histoire et Patrimoine" dont un extrait est présenté dans le magazine municipal B[r]ONjour n°37 de juin 2024.

Ces deux-là n’auront pas traîné. Mariés le 21 janvier 1744, Pierre Germain, maréchal-ferrant à Bron, et Marie Gayet son épouse, attendent dès février leur premier enfant. Neuf mois plus tard, le 17 novembre, le voici qui s’annonce. Alors vite, l’on court chercher une femme âgée du village, qui fera office d’accoucheuse. Elle arrive chez les Germain, et aide autant que faire se peut Marie Gayet. Enfin l’enfant paraît. C’est une fille ! Dès le lendemain, ce bébé est porté à l’église pour être baptisé. Nous sommes en plein mois de novembre, et il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors ? Peu importe, l’essentiel est ailleurs. Si ce nourrisson venait à décéder avant d’être baptisé, l’entrée au paradis lui serait refusée, et il errerait pour l’éternité dans les limbes, comme un fantôme. Tous les parents d’Ancien Régime agissent de même, qui font baptiser leur enfant le jour même de sa naissance, ou au pire dans les deux ou trois jours qui suivent ! Le 18 novembre 1744, la famille Germain se précipite donc à l’église. Il y a là Pierre Germain, grand-père paternel du bébé, qui sera son parrain, et Marie Melin, sa grand-mère maternelle, qui sera sa marraine. Comme le veut la tradition, l’enfant portera le prénom de celle-ci, et s’appellera Françoise-Marie. Parrain et marraine tiennent la petite au-dessus d’une grande cuve en pierre, les fonds baptismaux, tandis que le curé lui verse de l’eau bénite sur le front. La voici baptisée. Tout le monde rentre ensuite à la forge familiale, où une petite fête les attend.
Sans baptême, pas de paradis

Tous les deux ans ou presque, la famille Germain recommence ce cérémonial. Car il nait un petit François-Marie en 1746, puis Jean en 1748, puis un autre Jean en 1751, et ainsi de suite, jusqu’à leur dixième enfant, Joseph, né en 1764. Est-ce beaucoup pour l’époque ? Oui, car habituellement les Français ont plutôt quatre à six enfants par couple. Tous reçoivent le baptême. A l’exception de ce bébé né le 20 août 1758, qui meurt avant d’arriver à l’église. Pour lui, l’accoucheuse – Anne Delaye, une mère de famille âgée de 50 ans – a eu à peine le temps de lui verser quelques gouttes d’eau bénite sur le front (elle l’a « ondoyé ») pour toute cérémonie. Ce pauvre petit ne reçut même pas un prénom, et fut enterré le jour même en présence de son père, Pierre Germain. Heureusement pour les Germain, ce drame ne leur arriva qu’une fois. Il leur fallut donc trouver en tout neuf parrains et neuf marraines pour leurs progénitures ! Après avoir fait le tour des grands-parents et des oncles et tantes, ils sollicitèrent des habitants de Lyon et de La Guillotière. Comme le sieur Louis Billiet, un marchand soyeux de la rue Confort, dans la Presqu’île, dont l’aisance financière ne fait pas de doute, et qui montre le soin qu’avaient les parents d’antan de choisir des gens relativement puissants. Ainsi leur enfant serait protégé pour le cas où il deviendrait orphelin, et la famille retirerait un certain prestige de cet entourage au-dessus de sa condition sociale. En 1764, les Germain assistent à leur dernier baptême. Marie Gayet, la mère, a alors 42 ans. Hélas, sur leurs dix gones seuls trois parvinrent à l’âge adulte. Ce monde d’antan était impitoyable, qui voyait en moyenne, la moitié des enfants passer de vie à trépas avant leurs 20 ans…

Aline Valais

Source : Archives du Rhône, Edépôt 29/1 et 2.

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