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Nicolas Mathieu

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©Bertrand Jamot

Il était déjà venu le 12 décembre 2018 à la médiathèque Jean Prévost pour présenter son roman dans le cadre du Prix Summer (ex-Prix des lecteurs). La Fête du Livre de Bron a de nouveau l’honneur d’accueillir Nicolas Mathieu, Prix Goncourt en 2018 pour “Leurs enfants après eux” pour une lecture musicale en duo avec le musicien Florent Marchet mercredi 6 mars à l’Espace Albert Camus, et une table ronde, vendredi 8 mars, en compagnie des auteurs en lice pour le Prix Summer. Interview de cet auteur dont c’est seulement le second roman !

Aimez-vous rencontrer vos lecteurs, comme cela va être le cas à la Fête du Livre ?

Oui, les rencontres avec le public permettent d’élucider ce qu’on a voulu dire dans un livre. Quand on sort de sa tanière après des mois, les lecteurs nous tendent un miroir. Leurs retours font d’ailleurs partie de la construction du livre. Mais ces rencontres avec le public sont ambivalentes : quand certains me disent « je pourrais mettre un nom sur chacun des personnages », je sens que j’ai fait mouche. Mais d’autres me font des reproches ! Ceux-là avaient un horizon d’attente auquel je n’ai pas répondu… Cela fait maintenant des mois, depuis l’attribution du prix en septembre, que je parle de “Leurs enfants après eux”. Le Goncourt engendre le risque de se vider en promotion. Ce peut être une hémorragie. On s’appauvrit. Actuellement, je tiens une nouvelle idée de livre. Je commence donc à dire non aux sollicitations extérieures, j’ai supprimé tous les réseaux sociaux de mon téléphone et je renoue avec la lecture, qui me nourrit. Un mouvement de consolidation est enclenché.

Comment parvenez-vous à brosser des portraits d’adolescents aussi criants de vérité que ceux d’Anthony, Stéphanie ou Hacine ?

Je ne suis jamais sorti d’une certaine anxiété, d’une fébrilité et d’un rapport au monde proches de l’adolescence. Et puis, le job d’un auteur, c’est de se mettre dans la peau de ses personnages… Comment se sentent-ils ? Comment réagissent-ils ? C’est ce qui tricote du réel. L’empathie est une qualité indispensable. Je cherche à faire ressentir aux lecteurs ce que ressent le personnage. Je n’ai pas une écriture instinctive, mais un parti pris, esthétique, celui du réalisme. J’ai le projet de restituer le monde tel qu’il est, c’est pourquoi je réécris beaucoup, jusqu’à atteindre une forme d’exactitude qui est l’aboutissement d’années à peiner dur, à travailler pour se forger un style. J’ai trouvé mon diapason tard. Jusqu’à 35 ans, j’ai craint de m’être fourvoyé dans l’écriture ! J’ai bouffé de la vache enragée.

Vous dites clairement avoir voulu fuir votre milieu d’origine et vous faites une description peu complaisante des Vosges… Quel accueil a reçu votre livre dans votre région natale ?

J’ai écrit un roman de l’arrachement : chaque personnage, comme moi adolescent, veut changer de place, partir de là où il se trouve. Je suis né à Épinal et je relate l’histoire de ma vallée, celle des hauts fourneaux, qui est aussi celle des “rusts belts” du monde entier. C’est très intimidant d’écrire l’histoire des ouvriers quand on vient de là. Les réactions dans mon coin n’ont pas été tendres à la sortie du livre ; puis, le Goncourt a tout changé ! On me dit : « ça fait du bien que vous parliez de notre région ! », cette région traumatisée par l’affaire du petit Grégory…

 

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