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Jacques Rancière

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Portrait de Jacques Rancière
DR

"Une manière de transformer les rapports entre les mots, les images et les choses"

Philosophe, professeur à l’Université Paris VIII, Jacques Rancière est l’auteur d’une trentaine d’essais sur la politique et l’esthétique, parmi lesquels "Le spectateur émancipé" et "Le partage du sensible". Dans son dernier ouvrage, "Aisthésis", il étudie les conditions sociales et politiques d’une quinzaine de séquences artistiques prises dans divers registres.

Bron Magazine : Comment s’inscrit votre travail dans le thème de l’édition 2012 de la Fête du livre [Ceci n’est pas une histoire vraie] ?
Jacques Rancière : Je cherche à montrer que les catégories mêmes qui nous servent à déclarer “ceci est le réel” et à distinguer des types de réalité – par exemple la politique ou l’art – sont le produit de processus fictionnels. Une fiction, ce n’est pas l’invention de ce qui n’existe pas, mais une manière de transformer les rapports entre les mots, les images et les choses.
 

BM : Pensez-vous que le rôle d’un intellectuel soit justement d’être en prise avec la réalité ou plutôt d’en dépasser et éclairer les contingences?
JR : Je ne suis pas un intellectuel, il n’y a pas de gens dont le métier serait de penser. Je suis un chercheur qui communique les résultats de son travail et un citoyen qui réfléchit comme un autre sur l’état du monde. J’ai beaucoup travaillé sur des textes et sur des images qui construisent une certaine vision de ce qui est réel. Etre en prise avec la réalité, c’est d’abord être attentif à la manière dont des images et des paroles font "voir" un réel.

 

BM : Votre dernier ouvrage, "Aisthesis", renvoie à 14 épisodes artistiques particuliers. Que souhaitiez-vous interroger à travers cette succession de scènes ?
JR : Je pars du moment, au XVIIIe siècle, où l’on commence à parler de l’Art au singulier, alors qu’avant, on distinguait les beaux-arts des arts “mécaniques”. L’Art existe comme monde propre depuis que n’importe quoi peut y rentrer. Mes 14 scènes sont des étapes de ce processus : un philosophe, Hegel, fait d’une peinture de petits mendiants déguenillés une représentation de l’Idéal ; un poète, Mallarmé, cherche un modèle pour la poésie dans la danse d’une artiste de music-hall.
Photographes et cinéastes brouillent les rapports entre l’art, le divertissement et le document, etc.

 

BM : Comment parvenir à une communication efficace auprès d’un public non-spécialiste ?
JR :

Un philosophe parle la langue de tout le monde et utilise une capacité de pensée commune à tous. La difficulté ne vient pas du langage, mais du fait que tout chercheur authentique change les manières habituelles de percevoir et d’interpréter les choses.

Je dis ce que j’ai à dire avec les mots qui me semblent appropriés pour changer le regard que nous portons sur la politique, l’art ou la littérature. Je le dis à des gens qui se l’approprient et le transforment par leur propre pensée.

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