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Paul Blanquart

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Portrait de Paul Blanquart
- DR

"La ville ne peut être durable que par un fonctionnement démocratique"

Paul Blanquart, sociologue, philosophe et historien de la ville, a introduit le temps fort des journées grand public des Rencontres Scientifiques Nationales de Bron, en juin 2015.

Bron Mag : Dans votre ouvrage référence "Une histoire de la ville. Pour repenser la société", vous parlez d’un monde de l’"inter" en opposition à la logique du "trans". Peut-on, en 2015, penser le local indépendamment du planétaire ?
Paul Banquart : La civilisation est mise au défi par l’anthropocène. Un concept récent qui définit une nouvelle aire géologique où l’activité humaine devient la force géophysique principale : elle aboutit à la destruction de la planète par l’effet de la globalisation.
Des flux de toutes sortes, commandés par la finance, artificialisent la planète au point de la dénaturer. Ce que j’appelle la logique du "trans". Un post humanisme où l’humain est avalé par ses propres productions techniques.
Il faut donc penser l’alternative, couper les flux, retrouver de la diversité, du dialogue les uns avec les autres. Une cité vivante, non modélisée.

À l’âge où les flux traversent toutes les frontières, il ne s’agit pas de revenir en arrière comme beaucoup sont tentés de le faire, de se crisper sur le passé. Mais de concevoir et de faire une "société-monde".

 

BM : Comment ?
PB : En s’opposant à cette logique destructrice qui marginalise, exclut le plus grand nombre.
Il s’agit pour chaque humain d’être actif, d’échanger, de valoriser les particularités quand la globalisation les utilise pour entuber, formater et donc stériliser.
Une logique de la vie et de l’intelligence où vont ensemble unité et diversité, complexité et non modélisation informatico- médiatique. En chaque lieu, il y va de la planète entière. Elle n’est vivante que si tous les lieux le sont. Autrement dit "l’inter" est une autre logique planétaire qui renforce le local, mais chaque local est une version du monde.

 

BM : Dans quelles mesures peut-on faire la ville avec les habitants ? Un urbanisme participatif est-il une utopie ?
PB : Peut-on faire une société sans les habitants ? Peut-on faire la ville sans ses habitants ? Je crois que l’utopie est nécessaire.
Quand je vous parle de la logique de l’"inter", c’est de l’utopie. La ville elle, ne fonctionne évidemment pas par la participation de tous. Ce n’est pas ce qui domine.
La société ne sera capable de se revitaliser, et la ville d’être durable, que par un fonctionnement démocratique.
Il ne s’agit pas de participer à une "mêmeté" (l’idem en latin, l’identité) mais à une "ipséité" (ipse, soi-même). C’est à ce moment que chaque personne, chaque lieu sur la planète pourra être utile aux autres parce qu’"inter-éssant". Pour que la politique ne serve pas à normaliser, à quadriller, mais à stimuler par la singularisation de tout un chacun. La ville doit être la forme spatiale, ou dessin, d’un dessein social bien particulier : la dynamique démocratique. La question est, comment concevoir celle-ci à l’âge planétaire ?

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