Mémoire
Boulevard Laurent Bonnevay

A partir de 1935, la construction du boulevard Laurent-Bonnevay offre un magnifique terrain de jeu aux compétitions motorisées. Courses de motos et de voitures attirent alors des milliers de spectateurs, venus de toute la région.

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Etape 3 - Le circuit de Parilly

On

Accès :

  • Depuis le café de la Boutasse, s'avancer en direction du boulevard Laurent-Bonnevay.
  • S'arrêter devant la bretelle d'accès.

Boulevard de Ceinture, 160 km/h. La descente dans le bois de Parilly ; virage à gauche, coup de volant à droite. De nouveau une ligne droite, pied au plancher. Ah là, danger ! L’épingle à cheveux de Vénissieux, juste avant l’avenue Viviani. Freiner à fond ; dérapage contrôlé et remettre toute la gomme. Avenue des Etats-Unis, puis boulevard Jean-Mermoz et retour à Parilly. Le tour est bouclé. Temps chrono : 3 minutes et 17 secondes. Vitesse moyenne : 133 km/h ! Rodéo nocturne ? Non. Sinistre exploit d’un fou du volant ? Non. Poursuite de gendarmes et de voleurs ? Non plus. Ce dimanche 21 septembre 1947, Bron accueille deux courses automobiles comptant pour le Championnat de France.

En ce temps-là, les courses de bolides se tiennent tout près des villes voire à l’intérieur même des quartiers, pour que le public puisse s’y rendre facilement. Un peu comme notre Grand Prix de Monaco d’aujourd’hui. C’est donc tout naturellement à Bron et dans le 8e arrondissement de Lyon que l’Automobile Club de France décide d’organiser son 34e Grand Prix. Edouard Herriot lui ajoute une autre compétition, réservée celle-là aux petites cylindrées, la Coupe de la Ville de Lyon. Deux courses la même journée ! Pour saluer l’évènement, on emploie de gros  moyens : 25 kilomètres de barrières, 250 tonnes de bottes de paille pour assurer la protection des spectateurs et des pilotes, dix tribunes pouvant accueillir 12.000 personnes, 14 millions d’anciens francs et surtout 7,2 kilomètres de chaussées, élevées pour l’occasion au rang de « circuit de Parilly ». 42 pilotes sont attendus ; des Français pour la plupart mais aussi des Italiens, des Anglais, un Irlandais et même un Américain. Leurs noms reviennent dans toutes les conversations : Whitehead, Louveau, Chaboud, Comotti, Chiron, Villoresi, Martin, de Graffenried et bien d’autres encore. On compare les performances de leurs drôles de machines en forme de cigare à grosses roues, les Talbot, les Delahaye, les Maserati, les Simca-Gordini, les Frazer-Nash, les Peugeot et autres BNC. On attend surtout la nouvelle voiture française, la CTA Arsenal, dont on dit tant de bien et qui redorera le blason de l’industrie nationale. La fête promet d’être belle. 

Même si des grèves empêchent au dernier moment les Alfa-Roméo de quitter l’Italie, et que les restrictions d’après-guerre compliquent un peu le voyage de certains, les pilotes arrivent à Bron sans encombre et peuvent dès le jeudi commencer les essais. Déjà, la foule se presse pour admirer leurs exploits. Le dimanche, jour de la course, un public énorme prend d’assaut les tribunes et le moindre bout d’avenue. Les gens affluent de toute l’agglomération et même des départements voisins. Le matin, les petites cylindrées s’élancent pour 28 tours soit 204 kilomètres. La course est sans pitié. Le circuit « quelque peu rugueux », pour reprendre une expression des journalistes sportifs de l’époque, ne pardonne aucune erreur et met les mécaniques à mal. Sur les 24 concurrents ayant pris le départ, 13 abandonnent en cours de route. Après une heure et demi d’épreuve, le vainqueur de la coupe est Eugène Martin, sur Frazer Nash, avec une vitesse moyenne de 125 km/h.

L’après-midi est réservé au Grand Prix. La foule grossit encore. Les 18 bolides s’élancent pour 70 tours soit 510 kilomètres. Enfin non, pas 18 voitures, 17 : la fameuse CTA casse son embrayage et doit rentrer au garage avant d’avoir fait dix mètres. Au dixième tour, la Talbot de Chiron prend la tête, devant de Graffenried, Louveau, Ralph et les autres. Ce Chiron figurait parmi les favoris ; il avait déjà gagné quatre Grand Prix dont celui de 1937. Il mène la course de bout en bout. Au 20e tour, une panne de Graffenried lui permet de creuser l’écart : le champion doit s’arrêter dans le virage de Parilly pour changer ses bougies ! Au 29e tour, catastrophe. La voiture numéro 18 fait une embardée sur l’avenue Viviani, renverse les bottes de paille et rentre dans un groupe de spectateurs. L’accident fait trois morts et 14 blessés… La course ne s’arrête pas. Les pilotes lèvent seulement le pied, par précaution. Plus tard, Chiron s’arrête pour faire son troisième plein d’essence. La foule est admirative. Il réussit à remplir son réservoir en 35 secondes seulement, un exploit… pour l’époque ! Le temps passant, les arrêts techniques se multiplient. Les voitures souffrent, et lâchent les unes après les autres. L’Anglais Parnelle abandonne, direction cassée. Au 66e tour, Ascari rentre lui aussi au garage. Il ne reste plus que huit concurrents, et Chiron mène toujours la danse. Il franchit la ligne d’arrivée le premier, après 4 heures 3 minutes 40 secondes et 7 dixièmes. Vitesse moyenne : 125 km/h, une vraie fusée. Le deuxième est Louveau, sur Maserati, avec un temps de 4 heures 5 minutes. Le troisième, Chaboud, sur Talbot, arrive en 4 heures 10 ; son score lui permet de remporter le Championnat de France 1947, qui courait à Bron sa dernière épreuve de l’année.

Soixante-dix ans après la course, des anciens Brondillants se souviennent encore du nom des vainqueurs et de leurs voitures. Ils nous en ont parlé avec les yeux brillants et une pointe d’émotion dans la voix. C’est dire à quel point elle fut populaire. Devant un tel succès, Edouard Herriot et les maires de l’agglomération songèrent peut-être à rééditer l’évènement. Si leurs projets s’étaient réalisés, qui sait, on parlerait aujourd’hui du Circuit de Parilly autant que des 24 heures du Mans ou du Nürburgring !

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Illustrations

  1. Vignette
    - Carte WS
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  2. Vignette
    Agence de presse Meurice, Bibliothèque Nationale de France
  3. Vignette
    Extrait du journal Le Progrès, 7 juin 1937

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