Parce qu'un 69 est accroché à l'arrière de toutes les voitures brondillantes, on pourrait croire que Bron a de tous temps été mariée au département du Rhône. Mais son histoire a été beaucoup plus compliquée, comme en témoigne cette vieille borne du 19e siècle qui se dresse devant vous. Il y a 700 ans, Bron n'était pas rhodanienne mais... savoyarde ! En 1310, le suzerain des seigneurs de Bron, dame Catherine de Miolans, vendit en effet au comte Amédée V de Savoie tout ce qu'elle possédait entre son château de Saint-Pierre-de-Chandieu et le fleuve du Rhône. A savoir les villages de "de Sancto Laurento, de Grenay, de Sancto Praejecto, de Broentz, de Venicies et de Feyssino (etc.)". Saint-Laurent-de-Mure, Grenay, Vénissieux, Saint-Priest, Bron… Notre commune vécut là un des moments les plus importants de son histoire. Depuis plusieurs décennies, les comtes de Savoie lorgnaient sur son territoire, car il leur permettrait de contrôler l'accès à la riche ville de Lyon.
Hélas pour les Savoyards, l'histoire en décida autrement. En 1325, la Savoie perdit l'une de ses cartes maîtresses lorsque le voisin des comtes de Savoie, le prince du Dauphiné, acheta la seigneurie de Vaulx-en-Velin et Villeurbanne. Du coup, Bron se retrouva sur la frontière entre le Dauphiné et la Savoie, la route de Genas marquant la limite entre les deux états. Une position on ne peut plus inconfortable pour Bron, quand on sait que Savoyards et Dauphinois étaient en guerre quasi continuelle... En 1349, la Savoie vit ses derniers espoirs lyonnais s'effondrer totalement, quand le prince Humbert II, dauphin du Dauphiné, vendit sa principauté au roi de France Philippe VI. Six ans plus tard, en 1355, le comte de Savoie se rendit à l'évidence et tira un trait sur ses rêves d'expansion lyonnaise, en échangeant toutes les seigneuries qu'il possédait dans les départements actuels du Rhône et de l'Isère - dont celle de Bron, contre la vallée du Faucigny et le sud des Dombes. En 1355, Bron fut donc annexée à la France et à la province du Dauphiné, et perdit à cette occasion sa position frontalière.
Mais trois siècles et demi plus tard, en 1701, le roi Louis XIV décide d'annexer le faubourg de La Guillotière à la province du Lyonnais. Ce choix du roi Soleil eut pour conséquence de déplacer la frontière du Dauphiné, alors placée sur les eaux du Rhône, jusqu'au chemin du Vinatier (aujourd'hui le boulevard Pinel). Bron se retrouva donc à nouveau sur une frontière, entre deux provinces cette fois, le Dauphiné et le Lyonnais. Le poste frontière se caractérisait par un peloton de soldats et de percepteurs du fisc disposés au carrefour de l'avenue Franklin-Roosevelt et du boulevard Pinel... et par tout un lot d'auberges, car le vin était à Bron 30 % moins cher qu'à Lyon et à La Guillotière ! Arriva la Révolution française et toutes ses réformes administratives, notamment la création des départements. Le Dauphiné fut découpé en trois départements, dont celui de l'Isère, à l'intérieur duquel Bron se retrouva. Notre ville resta sur la frontière, mais cette fois entre le département de l'Isère et celui du Rhône, le boulevard Pinel marquant toujours la délimitation entre l'un et l'autre.
C'est pour bien faire savoir aux voyageurs qu'ils changeaient de département, que l'administration centrale fit poser la borne qui est devant vous. Elle fut gravée entre 1811 et 1824, et indique le numéro qui identifiait alors la grand'route, "7", son itinéraire, "De Paris à Milan", et les noms des deux départements de part et d'autre de la frontière, "Rhône / Isère". Son emplacement originel ne se situait pas auprès de l'aéroport, mais tout au début de l'avenue Franklin-Roosevelt, à l'angle de l'hôpital du Vinatier. Cette borne fut déplacée près de l'aéroport en 1852, lorsque l'empereur Napoléon III décida de rattacher Bron au département du Rhône. L'on déterra alors la grosse pierre, pour la déposer sur la limite de Bron et de Saint-Priest, où se situait la nouvelle frontière départementale - et plus précisément contre le mur d'une auberge, qui pris dès lors le nom de "café-restaurant de la Frontière".
Bron ne perdit son statut de ville frontalière que le 29 décembre 1967, lorsque Saint-Priest et Chassieu rejoignirent à leur tour le département du Rhône. La vieille borne frontière aurait alors pu subir le pic des démolisseurs. Par un coup de chance il n'en fut rien. Ce petit monument de pierre témoigne depuis plus de 200 ans, à quel point l'histoire de Bron fut indissociablement liée au grand itinéraire international qui le traverse sur toute sa longueur.
Pour aller à l'étape suivante :
- Depuis la borne frontière, s'avancer d'une centaine de mètres jusqu'à un arrêt de bus, au carrefour des routes de Saint-Priest et de l'aéroport.